LE PORT DE LA LUNE
LE PORT DE LA LUNE
Fonction : Réhabilitation du stade Chaban Delmas
Maitrise d’ouvrage : Public – Mairie de Bordeaux
Architecte : elua® architecture
Superficie : –
Coût de l’opération : –
Calendrier : Concours public / 2013
Lieu : Bordeaux
RÉHABILITATION DU STADE CHABAN-DELMAS.
BORDEAUX – ORBITE GÉOSTATIONNAIRE, 7 JOURS.
POUR UNE ARCHITECTURE RÊVEUSE, ONIRIQUE ET PLEINE D’ESPOIR.
HUMANISTE
Le Port de la lune est la réponse du studio elua® au concours d’idée pour la réhabilitation du stade Chaban-Delmas. Le projet vise à proposer une direction politique et engagée à la question du patrimoine aujourd’hui en France. Les temps de crise actuels tendent à plonger l’occident dans une léthargie pessimiste propice à une nostalgie régressive et autocentrée. La croyance en l’être humain et sa capacité de progrès est amenée à subir une lente érosion néfaste pour l’avenir de notre société.
PENSER LE FUTUR.
En répondant par un discours futuriste et macro centré, le studio elua® propose un projet d’espérance fondé sur une société qui aurait retrouvé sa capacité à faire progresser l’homme.
Une démarche humaniste qui imagine le stade Chaban-Delmas comme la caverne de Platon du XXième siècle d’où il est nécessaire de sortir.
LE VOYAGE VERS LA LUNE
Intégrant le programme international Life Propulsion 3, le stade Chaban-Delmas devient un aéroport pour l’espace. Bien éloigné des ascensions par fusées propulsives du précédent siècle, le Port de la Lune donne aux scientifiques et aux particuliers la possibilité de voyager en douceur pendant 7 jours pour habiter la station située en orbite géostationnaire à 36000 kms d’altitude. Le voyage se fait à bord de capsules de vie ergonomiques qui s’accrochent au module de traction, l’ascenseur.
ASCENSEUR SPATIAL.
Celui-ci va monter et descendre le long d’un ruban en nano tubes de carbone situé au sol au centre de deux larges rosaces mécaniques constituées de capsules. Celles-ci pivotent autour de ces deux axes dans un lent mouvement mécanique permettant la régulation des ascensions et des descentes. Dans chaque virage du stade, deux écrans géants diffusent en continu des images de cinéma, du monde, des évènements en prise direct avec notre réalité.
STATIONS SPATIALES.
La capsule gravit les 36000 kms d’altitude pour venir s’accrocher sur les deux stations orbitales géostationnaires qui font écho au stade.
La tête dans les étoiles, la découverte de l’espace peut alors se poursuivre. C’est le Port de la lune.
ENTRETIEN, juin 2062, Bordeaux, stade Chaban-Delmas.
Le scientifique Côme Dami est à l’origine de l’accord entre l’Agence spatiale européenne ESA et la National aéronautique and space administration NASA, l’Agence spatiale fédérale russe Pockocmoc et l’Agence spatiale chinoise CNSA pour le développement du programme « Life Propulsion 3 ». Celui-ci a été lancé en 2056 pour définir l’avenir spatial habité dans les 30 prochaines années. Côme Dami a joué un rôle prépondérant dans les accords géopolitiques et technologiques qui ont permis de relancer l’exploration spatiale au niveau mondial.
Sylve Richtre : Bonjour Professeur Côme Dami, vous êtes en charge du partenariat mondial pour la définition et la réalisation du futur de l’homme dans l’espace. Alors que l’équipe de la navette Mars Messanger survolera l’orbite de la planète rouge dans moins de deux mois, nous sommes aujourd’hui à Bordeaux pour discuter du lancement du Port de la Lune, l’ascenseur spatial qui vient d’être mis en place il y a maintenant une semaine. Vous êtes né le 17 janvier 2013, dans une période très marquée par une crise mondiale qui a largement balayé les programmes spatiaux de tous pays. La conséquence directe a été la disparition des grandes utopies de l’homme dans l’espace, qui avaient pourtant permis de développer le programme Apollo, la station spatiale internationale des années 2000 et toute la science fiction moderne. Quel est votre sentiment aujourd’hui ?
Côme Dami : Bonjour. Nous venons de déjeuner dans l’un des meilleurs restaurants gastronomiques de Bordeaux, nous sommes installés dans le hub situé précisément sous l’ancienne pelouse du Stade Chaban-Delmas et lorsque nous regardons à travers la verrière, nous pouvons observer des habitants qui partent vers les étoiles en prenant tranquillement l’ascenseur. Je trouve cela magnifique, extraordinaire. Qui aurait imaginé une telle prouesse il y a encore vingt ans ? Et pourtant aujourd’hui, c’est une réalité, un pur ordinaire. La planète que l’on imaginait au début du siècle fatiguée, appauvrie, condamnée, et par là même sa population, est aujourd’hui dans une dynamique sans précédent. La nouvelle géopolitique mondiale, placée sur une véritable échelle globale, a permis de résoudre la plupart des conflits entre les pays. La croyance en la science et la capacité des équipes scientifiques internationales à répondre aux principaux problèmes de l’humanité ont permis une avancée massive de nos sociétés. Nous avons réussi à sortir d’une période sombre de l’Histoire pour entrer dans une dynamique durable, où l’homme retrouve toute sa place. Mon sentiment est donc celui d’un homme heureux de contribuer à ouvrir désormais une nouvelle phase de l’Histoire.
SR : Parlez-nous plus en détail du Port de la Lune…
CD : Vous le savez, la station spatiale internationale a vite montré ses limites dans le programme Life Propulsion. Et la Lune est à la fois proche et trop éloignée pour permettre des voyages rapides vers l’orbite terrestre. A la fin du siècle précédent, la NASA et les japonais de la JAXA ont décidé de définir un cahier des charges pour la réalisation d’un ascenseur pour l’espace. Il s’agit de tirer un câble depuis l’espace jusqu’au sol pour pouvoir faire monter des cabines qui pourront transporter du poids. Bref un simple ascenseur, mais qui monte un peu plus haut que d’habitude. Il avait été affirmé que les premiers qui réussiraient à mettre en place un tel appareil prendraient l’ascendant sur la conquête spatiale. Mais les différentes problématiques techniques posées ont empêché la réalisation rapide du projet. Le principal obstacle était celui du câble que nous ne savions pas réaliser avant l’avènement rapide des nano technologies dans la science des matériaux. Lors du programme Life Propulsion 1, la fondation scientifique Chinoise a réussi à tisser en grande quantité des nanotubes de carbone, qui offrent une résistance cent fois supérieure aux câbles d’acier alors qu’ils sont cent fois plus petits. Les deux câbles du Port de la Lune sont réalisés dans cette matière extraordinaire, larges de 1 mètre, épais de 2 centimètres pour une longueur de 36000km…
SR : Pourquoi 36000km ?
CD : Car c’est la distance de l’orbite géostationnaire par rapport à notre planète. C’est-à-dire une orbite qui permet d’avoir une vitesse de rotation compensant exactement la gravité qui règne à la distance à laquelle l’orbite se trouve de la Terre. Parmi toutes les altitudes, il n’y en a qu’une seule qui permette aux objets en orbite d’avoir une vitesse angulaire identique à celle de la Terre. Il s’agit de l’orbite géostationnaire, à 36000 km de la surface de notre planète, soit 3 fois son diamètre. Cette orbite est utilisée depuis longtemps par les satellites de télécommunication qui restent toujours fixes dans le ciel. Cela permet ainsi de placer une station dans l’espace, au dessus du Stade Chaban-Delmas, qui sera toujours au dessus de Bordeaux et ne variera pas de la position. Les deux câbles de l’ascenseur sont ainsi parfaitement fixes, traits d’union entre Bordeaux et l’orbite géostationnaire.
SR : La station spatiale du Port de la Lune est donc située dans cette orbite. Pourquoi avoir choisi Bordeaux ?
CD : Le premier ascenseur spatial mis en place se situe en Equateur, pour des raisons de sécurité et d’un climat tout à fait propice à cette expérimentation. Cette station a permis de définir précisément les cahiers des charges des futurs ascenseurs spatiaux et nous a beaucoup appris pour passer à une vitesse supérieure et garantir un niveau de sécurité optimal pour permettre des ascensions habitées. Bordeaux présentait au niveau climatique une fenêtre de tir intéressante, car le réchauffement de la planète a fait diminuer de moitié la pluviométrie de toute l’Aquitaine. Aujourd’hui, nous avons à Bordeaux un temps qualifié de californien. Ainsi, le programme Life Propulsion 3 a mis en place l’étude d’un ascenseur spatial en Europe, à Bordeaux.
SR : Pourquoi avoir choisi d’implanter ce projet dans l’ancien Stade de Bordeaux ?
CD : Lors de la recherche commune entre les scientifiques et l’Europe du programme Life Propulsion 3, l’impact du premier ascenseur spatial en Equateur a été considérable, autant au niveau de l’industrie spatiale que du grand public. Tout le monde s’est mis à rêver de voyages réguliers vers l’espace, de l’ouverture du monde tel que nous le connaissons vers un ailleurs, un nouvel avenir, un nouveau monde. La définition de ce nouveau programme était hautement philosophique. Il ne s’agissait pas uniquement de monter des satellites vers leur orbite géostationnaire, mais de permettre à tout le monde de sortir de la caverne. Le mythe de la caverne de Platon, appliqué à l’échelle 1 au cœur d’une métropole française. Le programme recherchait avant tout un espace large et ouvert en plein centre urbain. Aujourd’hui, dans nos villes sur densifiées, cela relève de la gageure. Colin Rohmer, l’architecte en charge de l’opération a découvert en plein cœur de Bordeaux la présence assez fabuleuse de ce Stade imaginé par l’architecte Raoul Jourde en 1922. Outre son emplacement, il présentait une architecture qui s’apparentait très fortement aux besoins concrets du projet. A savoir, une plateforme conséquente dans un centre ville qui permettait de positionner deux ascenseurs pour un aller et un retour. La proximité immédiate du partenaire industriel Dassault dans la CUB nous a conforté dans nos choix.
SR : Est-ce que l’architecture existante du Stade a été une contrainte dans la définition du projet ?
CD : Etrangement, nous n’aurions pas fait mieux dans la définition architecturale de cette structure. L’infrastructure des gradins nous a permis d’intégrer toute la logistique du projet dans l’existant, en coulisse, de manière à impacter le moins possible le style marqué année 1930 du bâtiment. Colin Rohmer tenait à respecter le bâti pour mieux révéler sa beauté stylée par la structure technique très contemporaine des capsules. Ce parti pris a permis de rouvrir le stade au public, autorisant sa libre circulation dans les gradins et rendant possible la contemplation et la rêverie. Seul le gradin Est a été fermé pour y accueillir une unité de production des capsules spatiales. Celles-ci sont réalisées par EADS et Dassault et arrivent en éléments détachées de Mérignac pour être assemblées dans le Stade. La chaine de montage est entièrement optimisée et industrialisée et fournit en continu les deux ascenseurs spatiaux en capsules. Le Port de la Lune est donc pratiquement autonome et il construit lui même la station située en orbite géostationnaire. C’est la première fois dans le programme Life Propulsion que les ingénieurs ont rationnalisé et optimisé à ce point des objets spatiaux, auparavant réalisés à la main et au compte-goutte pour construire une chaine de production similaire à l’industrie automobile.
SR : Comment la question de l’énergie et de la sécurité a-t-elle été définie dans le cahier des charges ?
CD : Nous avions répondu aux grandes problématiques sur le précédent projet en Equateur et il nous restait à définir les orientations publiques du projet. L’énergie qui permet l’ascension est transmise par un laser qui accompagne la capsule jusqu’à la station orbitale à 36000km d’altitude. Un système de moteur électrique complexe permet de suspendre, de tracter et de freiner la capsule en évitant le réchauffement intensif des câbles par une lubrification sèche. L’énergie supplémentaire est stockée dans le module moteur afin de palier une coupure du faisceau lumineux qui peut arriver si un obstacle se trouve dans son objectif. Sous le stade, six lasers se complètent pour fournir une puissance continue et interchangeable à tout moment. Bien entendu, tous les couloirs aériens ont été modifiés à proximité pour permettre la libre circulation des capsules entre le Stade et la station. La chute du câble, s’il devait y avoir rupture, a été solutionnée par le scientifique Rudolphe Olufsen par l’adjonction, aux fibres de nanotubes de carbone, d’une molécule dégénérative qui désintègre immédiatement le câble en cas de problème. La capsule devient alors autonome et son retour sur Terre est assuré par un parachute et des moteurs-fusées capables de placer son atterrissage au centimètre près. Le travail des ingénieurs pour réaliser ce projet a été exceptionnel.
SR : Vous parliez des orientations publiques du programme…
CD : En effet, lors de la définition de Life Propulsion 3, il a clairement été établi que l’avenir de l’espace devait passer par son ouverture au public. En tout cas dans un périmètre donné, nous sommes encore loin d’établir une station spatiale sur Mars. Mais je le rappelle, le Port de la Lune est comme une caverne. Les capsules regardent les ombres de la ville, les silhouettes de cinéma sur ces deux immenses écrans en hémicycle situés sur les virages nord et sud du Stade Chaban Delmas. Cet ascenseur vers les étoiles permet de sortir de la caverne, d’ouvrir les yeux et de prendre du recul. Qu’y a-t-il de plus beau, de plus fort que de regarder notre planète bleue à travers le cadre vitré d’une capsule grimpant à des milliers de kilomètre d’altitude ? N’est-ce pas une vraie leçon de philosophie ? L’espace absorbe aujourd’hui toute notre connaissance, et pourtant nous ne savons absolument rien de lui. Nous prenons aujourd’hui pour acquis la théorie de la relativité, et pourtant notre cerveau humain a toujours du mal à comprendre comment le temps peut-être élastique, déformable, subjectif. De même, la question de la présence de vie dans l’espace est une source de fascination infinie, en atteste la science-fiction qui étudie sans cesse sa confrontation avec nous autres humains. Ces questionnements sont si forts qu’ils peuvent remettre en cause la fondation même de notre existence en élargissant le domaine scientifique à des réflexions métaphysiques, spirituelles qui replacent chaque homme à ce qu’il est.
SR : Concrètement, comment se déroule une ascension à partir du Port de la Lune ?
CD : Nous sommes actuellement en sous-sol dans le hub du Port qui permet d’accueillir les futurs voyageurs qui vont procéder à tout un tas de tests simples permettant d’établir leur profil médical. Il n’y a pas de capacités physiques particulières à avoir, mais une bonne santé est nécessaire. Une formation express est établie pour la sécurité du voyage. La capsule offre ensuite tout ce qui est nécessaire pour pouvoir réaliser un aller-retour sur la station orbitale de manière parfaitement autonome. C’est à dire 14 jours de voyage, à une vitesse moyenne de 200km/h. Ensuite des séjours prolongés en station orbitale peuvent être programmés, toujours de manière totalement autonome. Six voyageurs peuvent ainsi vivre dans les 60m2 de la capsule aménagée et adaptable en fonction des besoins. La fenêtre écran de chaque capsule est l’interface de communication de l’ascenseur. Cette surface regroupe l’ensemble des informations de l’ascension et centralise les échanges entre le Port de la Lune, l’équipage et la station. Elle contrôle précisément la luminosité de l’espace intérieur en graduant sa transparence pour protéger les voyageurs des radiations solaires.
SR : Quand partez-vous ?
CD : Je suis déjà parti sur la station lors de son inauguration pour le largage des deux câbles vers le Port de la Lune. Mais je repars demain matin pour une véritable ascension dans une capsule spatiale avec mes êtres les plus chers. Ma femme et mes enfants. Et malgré mon implication dans ce projet, je suis toujours émerveillé par ce voyage. Les deux lignes graphiques dans le ciel du Port de la Lune s’ouvrent aujourd’hui vers un infini plein de promesses.
Juin 2062 – PL®